Aquarelle, A.B.M. Wadick  ou W?wick .Date inconnue. Collection personelle

 

 

Si on a remarqué, par les pages de généalogie et d'histoire de famille de ce Blog, comme je m'intéresse à l'histoire, cette chronique fera part de mes observations concernant des changements de moeurs rapides et  drastiques, desquels nous sommes à la remorque depuis parfois moins d'une génération. 


 

pour version anglaise, voir Linguee.com  

Chronique 9 publié jeudi 9 décembre 2021

 

Version bien personnelle

de l''Histoire sociale des Québécois-es

et cela, en diagonale

 

Au début des Québécois-es, fut la vieille France d'Ancien Régime. Celle racontée par le dur labeur des paysans ou des gens de métier, celle de la superstition jouxtant la dévotion chrétienne, celle de la maladie, du handicap ou de la mort, trop fréquentes, celle de la domination par les autorités civiles et religieuses, en même temps que celle d'une époque étonnamment libre ou l'observation des règles n'est souvent qu'aléatoire de par l'éloignement des officiers civils et l'absence d'encadrement rapproché. Bref, un royaume ou régnaient, pour le peuple de France du 16è siècle - dont sont la grande majorité des Québécois-es actuels-es - au mieux la frugalité, souvent la pauvreté ou la misère, et cela en alternance pour la plupart de nos ancêtres. C'est ainsi qu'on comprendra que ces derniers aient un jour pris la mer malgré la peur que les gens en avaient à cette époque. 

Le Nouveau Monde: une promesse, un espoir, une prière partagée.

Les manières courtoises du Québécois abordé au hasard de la rue sont-elles seulement issues de cette vielle France ou aussi des manières policées du clergé catholique tellement côtoyé depuis des siècles? 

 

Poursuivons notre histoire. Une fois arrivés-es au Canada, ce fut le travail physique acharné de défrichement, travail ne convenant qu'aux gens forts et en santé; pour les autres, individus ou familles affligées que ce soit d'un père ou d'une mère de faibles capacités, un défi quotidien.

Par contre et surtout, l'immigrant de France trouvait ici l'autonomie et la possession d'une terre dont il pouvait disposer et cela, à faibles coûts, ce qui était impensable dans le Royaume. Bref, à moins de malchance, la possibilité de prospérer, de développer, pour ses enfants, un leg territorial et immobilier significatif, voire important: quelque chose d'improbable dans ce qu'on appelait encore en campagne, dans les années 70, "les vieux pays". Preuve en est le foisonnement de moulins privés de toutes fonctions élevés dans le courant du 19è siècle sur le territoire québécois. Voir, entre autres, à ce sujet la publication de la Société historique de Bellechasse Au fil des ans de l'automne 2000 Nos moulins, témoins de notre histoire qui concernait le territoire de Bellechasse.  

 

L'autorité prédominante en Nouvelle France en ces temps anciens, celle qui surpassait l'influence du seigneur, souvent absent, et même l'emprise des autorités de la ville la plus proche était, bien sûr, celle des religieux: curés, abbés, vicaires, frères, pères et soeurs de toutes communautés. Ces religieux auxquels les gens se soumettaient par conformisme social mais aussi par déférence et crainte sous-jacente qui n'était pas étrangère, en cette fin 17è siècle et début 18è, à la terrible férule dogmatique qui avait encore récemment sévi partout en Europe en faisant des dizaines de milliers de victimes parties en fumée, l'Inquisition catholique romaine. 

Cette influence cléricale, présente dans tous les aspects de la vie en Nouvelle-France, a ainsi trop souvent inculqué, dans les familles et dans les communautés québécoises, un esprit pour ainsi dire de pénitent, et cela sous forme de silence. Vous souvenez-vous de cette phrase, comme une douce injonction:" Elle gardait ça dans son coeur?" Les chefs cuisiniers français qui dirigent de jeunes brigades québécoises soulignaient, il y a seulement deux ans, que leurs jeunes apprentis-es cuisiniers-ères ne se parlent pour ainsi dire pas en cuisine. Clairement culturel. 

De même, le caractère omniprésent et imposant de l'autorité religieuse a certainement modelé des ouailles si non crédules, du moins soumises et respectueuses des avis ecclésiastiques et civils. Cela serait-il jusqu'à aujourd'hui?

 

Si l'on continue de rebondir d'un siècle à l'autre de l'histoire, que lire dans la difficulté généralisée des Québécois-es contemporains-es de discuter en opposant des arguments divergents à ses congénères, et surtout d'en recevoir sans se sentir personnellement remis-es en question devant les autres, que fort probablement les effets de l'isolement relatif de maintes familles québécoises d'autrefois sur leurs vastes terres et dans leurs rangs, au long de tous ces automnes et hivers de leur vie? Par surcroît, comment ne pas associer cette difficulté à la pratique de la "pensée unique", réalité déplorée même par des journalistes contemporains? 

L'instinct grégaire de celui et de celle qui se cache derrière les autres de peur d'être stigmatisé-e, exclu-e, isolé-e, est encore aujourd''hui celui de la collectivité québécoise, instinct que l'on appelle ici solidarité et loyauté au groupe. Silence ou conformisme, faites votre choix.

 

Mais revenons à l'histoire à proprement parler. Il y a eu deux révolutions culturelles chez nous: la première, très documentée, la conquête britannique de la fin du 17è siècle. Le choc. On croit toujours à la compétence de nos autorités, à la vaillance de nos gens. On croyait évincer les Anglais comme on l'avait fait en 1690.

L'on n'assista pas seulement, dans les campagnes, à l'établissement graduel de Britanniques prenant avantage de seigneurs canadiens désargentés ou sans succession et à celui d'Allemands et d'Écossais qui avaient pris part è la guerre de conquête, mais aussi à la venue de représentants de la loi et de l'ordre, juges de paix et avocats, une profession dont Louis XIV n'avait pas voulu dans sa colonie pour, disait-il, les effets néfastes qu'elle a sur la société.

La présence d'officiers de justice dans les campagnes et dans les villes a certainement changé non seulement le mode de résolution de situations diverses et peut-être les interactions entre les interpellés mais aussi les référents dans la communauté. Ainsi, pour s'informer ou prendre avis, on ne voyait plus seulement le meunier, le curé, le notaire, le seigneur ou le capitaine de milice, mais le juge de paix qui représentait l'administration anglaise pouvait intervenir, pendant que l'avocat représentait une nouvelle façon, très adverse, de composer avec les problématiques, quelles qu'elles soient. Les rôles sociaux étaient en mutation, la façon de composer avec certains aspects de la vie aussi.

Par ailleurs, fut bien apprécié par les anciens Canadiens, maintenant Québécois, le premier quotidien au pays, La Gazette de Québec, publié dès 1764. La possibilité de pétitionner sous le régime anglais fut aussi utilisée à toutes fins par les Canadiens.

Quoique je croie à d'autres effets majeurs consécutifs à l'installation des Britanniques, tel celui de la livre Sterling sur le cours de la monnaie, sur le prix des produits courants et sur celui des propriétés, nous devrons tous nous référer aux spécialistes sur ces questions: ce n'est pas du tout mon créneau.

Aussi, comme lors de toute révolution, discrète ou pas, ceux qui le pouvaient tentèrent de prendre avantage de ce vent de changement pour se hisser socialement et économiquement dans leur société.

Ainsi, alla la vie en Nouvelle-France, désormais Bas-Canada.

 

Néanmoins, le tournant du 19è siècle, presque deux siècles depuis leur arrivée au Canada, voyait les familles de la campagne québécoise s'habituer à la prospérité et, pour la plupart d'entre elles, à une relative aisance.

Puis, parce que les familles étaient nombreuses et que les terres disponibles se faisaient rares, est venu le temps de l'exil vers la ville ou vers les États-Unis. Pour ceux-là, ce fut, plus souvent qu'on le pense, le retour à la précarité financière via la médiocrité de l'habitation, le manque d'espace domestique, de même que les sévères exigences du travail. Si travail il y avait et s'il était régulier, car longtemps, le travail a été journalier en ville.

De cette expérience quasi collective viendra sans doute l'existence d'un mouvement marxiste présent, dans les années 70, dans le corps professoral des écoles publiques québécoises. Urbaines ou péri-urbaines seulement? Je ne saurais dire si ce mouvement existait en campagne mais, s'il était relié, comme je pense, au syndicat, il devait être présent aussi en région.

En ce qui concerne l'école et l'éducation justement, les enfants de chez nous, garçons et filles, allaient à l'école à tout le moins jusqu'en 4è année, et cela depuis le 19è siècle. À ma connaissance, aucun sexisme délibéré n'était pratiqué dans les familles à cet égard; au contraire, la coutume voulait que les garçons aillent souvent plus jeune au travail que leurs soeurs, dont certaines, si la famille n'était pas trop nombreuse et la mère en santé, fréquentaient l'école jusqu'à la 8è et même la 10è année. C'était fin 19è siècle, début 20è.

Cependant, comme tout le monde sait, ce sont les garçons des familles bourgeoises et aisées qui accédaient aux postes importants de la société, leurs soeurs, même assez instruites, étant destinées è un rôle familial, domestique et souvent social par leur implication dans des oeuvres de charité organisées par les communautés religieuses. 

 

Même si les familles continuaient d'arriver des campagnes surpeuplées, le travail se fit peu à peu plus régulier entre la fin du 19è et le début du 20è siècle, cela même s'il maintenait les familles souvent nombreuses dans des conditions de vie modestes, aux limites de la pauvreté. C'est l'époque - vous le savez par vos grands-mères ou en avez entendu parler - ou les femmes trimaient de la cuisine à la machine à coudre pour toute la famille, lavaient à la main et faisaient des économies de bouts de chandelle "à chaque jour, comme on disait, que le Bon Dieu emmène". S'il est une période d''ou les Québécois et Québécoises ont tiré leur sentiment de "petite misère à la petite semaine', c'est bel et bien de celle-là.

 

Puis il y a eu les guerres dont on a peu ressenti la tragédie chez nous, il faut bien le dire, mais seulement quelques répercussions comme celle de l'éclosion du travail des femmes en usine ou en manufacture.

Après la deuxième guerre, ce fut assez rapidement la prospérité grandissante. Tellement que c'est quelque chose dont on ne peut plus se passer et que les gouvernements cherchent toujours à perpétuer: la prospérité économique et l'enrichissement de la société par le développement et la consommation toujours grandissants pour l'agrément et le plaisir de tous et chacun-e.

Cela est tellement vrai qu'aujourd'hui, nos climats étant sérieusement menacés par des bouleversements significatifs, les gouvernements de par le monde occidental, craignant que des modifications trop rapides du système économique qui a assuré notre prospérité fassent chuter l'économie, résistent à opérer les changements de cap nécessaires pour amoindrir des métamorphoses climatiques déjà en marche. C'est ainsi qu'encore récemment lorsque les gouvernements veulent stimuler l'économie, ils investissent des centaines de millions de dollars dans des contrats d'infrastructures, en entretenant chez les Québécois la fibre encore tellement vivante de bâtisseurs de chemins, de routes, d'immeubles, de résidences...et de barrages hydrauliques.

 

Aux débuts de prospérité encore timide des années 50, succéda, dès le début des années 60, un deuxième vent de changement qu'on appela la Révolution tranquille qui, elle, assurait l'éducation gratuite pour tous et l'affranchissement de l'emprise des religieux dans les domaines de l'éducation et des soins de santé.

La force d'attraction et la coutume étant telles, il est douteux que cette révolution tranquille ait tout à fait rompu les liens tissés au cours des siècles entre les diverses instances de pouvoir de la société, instances de ;pouvoir toujours enclines à se rapprocher pour additionner leur influence; ces mêmes liens que les recherchistes de la série Duplessis de Denys Arcand - dont était l'historien Jacques Lacoursière - avaient éloquemment illustrés dans une mémorable scénette relatant une conversation entre l'évêque Villeneuve offrant le thé à Duplessis. (voir lien ci-bas)

Néanmoins, c'est dans le courant des années 60 que les Québécois-es, pragmatiques et opportunistes, en profiteront pour se libérer du devoir des offices religieux des dimanches et fêtes.

Les curés de paroisses qui étaient demeurés "proches de leur monde" jusqu'aux années 30 ou 40 en intervenant dans les problématiques de vie des gens souvent suite aux confidences de ces derniers-ères, se sentant moins bienvenus, cesseront leurs visites paroissiales annuelles aux domiciles de leurs ouailles au plus tard au début des années 70.

C'est ainsi que presque brusquement, on s'affranchissait chez nous du joug de la religion, autant celui du culte et des cérémonies que de l'influence des religieux par le retrait, opéré à leurs dépens par le gouvernement libéral de Jean Lesage, de la responsabilité de l'Éducation, et plus tristement, à mon avis, de celle des soins aux malades. De cela, on en conviendra, on ne s'est pas encore remis 60 ans plus tard. Il faut le reconnaître et saluer l'émouvante culture de dévouement continu des religieuses Augustines et des Soeurs de la Charité en ce domaine, des débuts de la colonie jusqu'aux années 1960.

Dans ce mouvement qui ressemble parfois à une fuite vers l'avant, nous oublions que la révolution tranquille impliquait une rupture avec le passé, notre passé de défricheurs, devenu honni, car nous allions devenir des bâtisseurs non pas de villages mais de société, par un travail plus moderne, nous inscrire dans le mouvement des nations vers l'avenir et le progrès. Très bien. Si, cependant, on me permet ici d'être personnelle, une rupture aussi avec la notoriété des vieux noms de famille reconnus, pionniers et quasi héros du passé de notre nation.

Terminé donc la coutume de publier une élogieuse petite colonnade soulignant le décès d'un descendant de grandes familles du passé, telle la mienne, celle des Couillard de Beaumont, dans la section des nouvelles locales des quotidiens - le décès de mon arrière-grand-père et même de mon grand-père, Ambroise, avaient ainsi été soulignés dans le journal de la ville de Québec aussi tard qu'en 1950 - et ouverte, vu cette nouvelle et profonde ignorance des acteurs du passé, la possibilité d'apposer leurs noms à n'importe quoi. Je vous laisse juger de ce comportement.

 

Progressivement depuis les années 60, et davantage encore dans les années 70, en même temps que se développaient la fonction publique et l'industrie, se développa l'urbanisation croissante des Québécois-es qui, dans plusieurs familles pour la première fois, s'inscrivaient en masse dans les écoles supérieures.

 

D'autre part, si les expressions artistiques existaient depuis belle lurette dans les familles et dans les communautés du Québec, il est primordial de souligner que c'est depuis cette époque, celle des années 70 et au-delà, que nous assistons à l'éclosion et à la floraison graduelle de plusieurs expressions artistiques de chez nous: chansonniers, musique, peinture, cinéma, théâtre, plus tard, arts du cirque et maintenant, la danse sous toutes ses formes, classique et urbaine.

La diversité, le foisonnement et l'originalité exceptionnelle de ces formes d'art de chez nous sont-elles le produit d'un isolement relatif qui aurait favorisé l'incubation artistique dans l'intimité de l'imaginaire?

 

Ainsi, en bref, les Québécois-es, passés-es de la misère quotidienne et de la dévotion chrétienne imposée au 17è siècle à la prospérité champêtre par un labeur très physique, puis à la vie en ville ou en exil, entassés dans de petits logements, peinant sous le poids des grosses familles et des maigres salaires, accéderont finalement à la prospérité et à l'aisance graduelle d'après-guerre, aisance de plus en plus grande jusqu'à maintenant, cela en larguant le joug de la discipline des pratiques religieuses, tout en en conservant quelque part la mentalité et certains cultes qui rejoignent une crainte ancestrale et superstitieuse du destin qui doit être conjuré, par exemple, par le baptême du nouveau-né.  

Eh oui, l'ère moderne, même, ou surtout, nord-américaine, choisit ses pratiques: en effet, qui ne peut constater la popularité actuelle des églises évangélistes aux États-Unis? Aussi, si encore aujourd'hui, plusieurs, souvent des femmes, persistent en croyant à la protection des croix portées au cou, ou ont conservé des pratiques superstitieuses via de nouveaux symboles, pierres sous formes diverses, ou encore ont renouvelé leurs croyances via celle au pouvoir des énergies invisibles, auras, mantras, karma, etcetera, d'autres croyances ont progressivement évolué: ainsi, on ne croit plus tant dans la vie après la mort que dans le chagrin et le deuil bien réels, eux.

Les femmes! Que dis-je? Pas seulement. Car, sans aucun à-propos, alors que nous parlions marché du travail, me déclarait, au milieu des années 1990, un directeur instruit et sérieux de Services financiers de Québec : "Tout le monde est dans l'ésotérisme de nos jours, Mme De Beaumont. Même à l'Assemblée nationale", ajoutait-il. Sur quoi se fondait-il pour faire cette affirmation? Si c'était sur les dires de quelqu'un, croyait-il, comme mon ancienne directrice de service, que les dires constituent des faits? 

Par-delà la science, ainsi va, et bien curieusement, l'esprit humain.


Série Duplessis

Auteur: Denys Arcand

1978


Vendredi, 18 juin 2021

Autre version impromptue de juin dernier sur le même sujet 

 

Chronique 8: Histoire, parfois inédite, de chez-nous

 

Si, dans la vie de tous les jours, elle est de peu d'intérêt  pour M. et Mme tout-le-monde, la question d'où venons-nous ne se pose-t-elle pas parfois tout de même à eux? D'où venons-nous dans le sens non pas géographique, ce que la plupart des familles savent maintenant depuis la grande popularité de la généalogie, mais celle du comment vivaient et pensaient ceux qui nous ont précédés?

 

Si je ne sais rien, bien sûr, de la période gauloise en France, et là je passe à côté des ancêtres que l'on peut avoir en Angleterre, en Irlande ou même ici, j'ai lu d'un couvert à l'autre un bouquin - un, vous dites-vous - oui, un mais tout un, puisque son auteur est un sociologue contemporain de la Sorbonne relatant l'époque du Moyen-Âge dans le nord de la France. Ce que j'en ai retenu est qu'à cette époque les juridictions étaient municipales, les villes, bien sûr plus éloignées les unes des autres que maintenant, étaient variablement dirigées par des notables: greffiers, marchands aisés, négociants, religieux ou avocats.

Les gens y vivaient pauvrement dans un état d'esprit hybride entre les vieilles croyances celtes et celles plus récentes issues du clergé catholique qui tentait assidûment d'annihiler les anciennes croyances et superstitions omniprésentes, semble-t-il, parmi le peuple en les sermonnant les dimanches et lors de nombreuses autres fêtes religieuses dont les dates ont été judicieusement choisies parmi celles des anciennes fêtes païennes. Lors justement de fêtes païennes encore célébrées à cette époque, les festivités et processions dans les rues tournaient régulièrement au désordre, à la violence et parfois plus encore. Ce qui m'a étonnée est qu'il semble qu'a longtemps subsisté une tradition printanière qui incitait les jeunes gens des villages et campagnes à se rendre en groupe au village voisin pour s'affronter violemment, ce que l'auteur de La Sorbonne a qualifié de "rixe" printanière.

Globalement, ce serait pour discipliner les citadins et la vie en société que les autorités civiles et religieuses se seraient concertées et unies au Moyen-Âge français - et probablement ailleurs en Europe - pour amener ces villageois et citadins vers une coexistence civile ordonnée que l'on connaît depuis. Une alliance à proprement parler qui deviendra progressivement celle bien connue de l'Église et de l'État que la Révolution française a voulu rompre à la fin du 18è siècle. De là, plusieurs communautés religieuses de frères et de pères ont migré vers chez nous, peuple religieux et pratiquant, participant ainsi à la persistance de l'alliance, dira-t-on, sacrée de l'Église et de l'État, québécois cette fois, notamment sous le premier ministre Duplessis. On connaît la suite, apparente du moins. Ou justement, on ne la connaît pas. Lucien Bouchard, premier ministre et ancien séminariste, ne s'est-il pas écrié en Chambre au tournant des années 2000, défiant et péremptoire devant l'Opposition: "L'union sacrée aura lieu"! Mais de quoi parlait-il au juste en ces termes religieux? La phrase était tellement percutante que, depuis tout ce temps, j'en ai oublié le sujet.

D'un tout autre point de vue, j'aborderai vaillamment celui du mode de vie assez connu des Canadiens sur les seigneuries où une fois établis et les terres défrichées, il s'agissait pour eux de les faire fructifier et d'avoir un surplus à vendre, que ce soit des animaux, du blé, des tissages, des marinades et confitures, tout cela selon les talents de la maison, de manière à procurer de l'aisance à son ménage et à assurer, si possible, la transmission de lots de terre significatifs aux fils et, si possible, une dot aux filles, surtout à celles entrant en religion où l'on s'attendait, dans ces siècles, à une dot significative.

Alors qu'un certain nombre de Canadiens prospéreront comme on le constate par les nombreux achats de terres et par la prolifération de moulins de toutes sortes à la fin du 18è et au 19è siècle, relever ce défi, comme on le voit avec l'exode de nombreux Canadiens vers les États-Unis, sera bien inégal parmi les Bas-Laurentiens.

La vie sociale sur les seigneuries était très variable selon la présence de notables, celle du seigneur et selon le caractère de ces gens vers qui convergeaient la vie sociale et les échanges de nouvelles de toutes sortes. Sur la Côte du Sud d'où nous sommes originaires, elle est réputée avoir été bien conviviale. La stabilité des familles qui se transmettant les terres de génération en génération, celle de la famille seigneuriale et sa présence sur la seigneurie, de même que celle de notables, notaire, marchand, capitaine ou autres officiers de milice - cette dernière étant devenue une institution au tournant du 19è siècle - d'une génération à l'autre en étaient les garants, cela par opposition aux seigneuries non habitées par leur seigneur qui la faisait, quelques fois l'an, visiter par son régisseur, celles gérées par des religieux souvent austères, ou celles rapprochées de la ville qui voyaient ses gens partir y résider pour l'hiver.

Bien sûr, l'établissement de gouvernants anglais sur la citadelle de Québec bouleversera tout cet ordre des choses du monde bas-laurentien. Pourra-t-on enfin analyser comment?

Il y a eu l'avènement de la Gazette de Québec. Comment les Canadiens s'en sont-ils servis? Celui du parlementarisme que l'on connaît mieux. Celui des avocats qui mériterait d'être étudié. Car le roi français avait écarté depuis longtemps la présence d'avocats en Nouvelle France prônant l'efficacité des notaires et de l'administration coloniale pour en faire office.

L'arrivée sur le marché de la monnaie anglaise et autres a-t-elle eu bien des répercussions sur la vie de nos Canadiens? Je penserais que oui. La monnaie sonnante et trébuchante était-elle plus courante et seulement en livres anglaises? Dans quelle mesure les Canadiens des campagnes ont-ils continué à commercer, bois, blé et autres produits? En ce qui concerne les marchands canadiens des villes, réussissent-ils à conserver leur place mieux et davantage que quelques études récentes ne l'ont indiqué?

Et là, pour conclure, je vais en sauter un grand bout: ces gens issus des campagnes surpeuplées ou même des classes populaires de la ville sous le régime français et projetés dans le capitalisme de marché anglais au 19è siècle ont-ils tous sauvé la mise au milieu du 20è siècle, grâce une ère post-industrielle offrant la prospérité pour tous?   

En mortaise, un article d'Érudit relié à ce sujet


 Mercredi 25 mars 2021

 

Chronique 7: Un sourire 

Le sourire, l'avez-vous remarqué, n'a pas d'âge? Qu'il ait 5 ou 75 ans, c'est le même. Il sourit, et c'est lui, c'est elle. Ce sourire, ça ne peut être que lui, ça ne peut être qu'elle. 

Est-ce dans un volatile espoir d'intemporalité que vous ne voyez que ça, son sourire, presque immuable... et immortel ?

Il était du passé, il est maintenant du présent; dans votre souvenir, il sera de l'avenir.


Lundi. 10 août 2020. Chronique no 7.

Wow! Formidable. De la robotique d'abord, et tel que promis, au service de l'humain: un robot nettoyeur de salle et de chambres d'hôpitaux et de CHSLD.

Dispendieux bien sûr mais plus rapide qu'il y a 6 ans, il nettoierait 10 chambres en deux heures alors que nettoyer une chambre prend une heure, affirme un employé. 

C'est précisément ce que l'on attend de la robotique: pas l'humain d'abord, mais l'humain seulement. Et jamais au service d'une clique qui aurait développé des spécimens pour les servir, eux, dans un premier temps. Parce qu'après...  

 


 

Samedi, 6 juin 2020

Chronique 6

Du comportement de mes parents et grands-parents, je tenterai de déduire ici l'esprit sociétal de leur époque en le comparant au comportement actuel qui est de se rassembler en larges groupes virtuels pour partager des vécus, des avis, des positions communes concernant notre société nord-américaine et occidentale. En effet, dans ces groupes, l'individualité persiste peu ou pas selon le groupe social en question. Il me semble que c'est ce qui distingue cette société qui est la nôtre de celle même de nos parents où les gens se côtoyaient en observant une certaine réserve.

Si des positions étaient régulièrement partagées sur ce qui se passait dans la communauté, dans la ville ou en politique, les avis différents étaient acceptés sans commentaire et sans exclusion alors qu'on observe maintenant régulièrement, dans les groupes virtuels sociaux, de l'isolement et de l'exclusion face à un avis divergent. Peut-être justement que parce que les gens ne se connaissent pas, ne se côtoient pas dans la vie quotidienne et communautaire, ce que ces groupes sociaux rejettent, c'est l'avis divergent et non pas tant la personne que d'ailleurs ils ne connaissent pas et à laquelle ils ne sont ni attachés ni n'ont intérêt à l'inclure nécessairement dans leur groupe.

Les individus de ces groupes seraient-ils des produits jetables lorsqu'ils ne joignent pas l'esprit, les goûts ou les positions du groupe? à voir!

Si l'on revient à la société de parents et grands-parents, si les gens étaient très réservés sur leur vie familiale et personnelle, comme on le sait, par contre ils n'hésitaient pas toujours à commenter les agirs productifs ou pas des gens qu'ils côtoyaient, s'ils savaient que leur position serait partagée. Comme les gens portant des avis divergents faisaient partie de la communauté, leurs porteurs n'étaient cependant pas exclus mais pouvaient être commentés avec intérêt ou désapprobation par leurs pairs.

Ainsi, il me semble, à partir de cette réflexion impromptue, que dans les communautés ca 1900, la divergence d'opinion régulièrement pratiquée tenait à l'appartenance à une communauté mais pas nécessairement la divergence dans les comportements, alors que dans les groupes sociaux contemporains, la divergence d'opinion n'est souvent pas tolérée alors que les comportements, eux, le sont beaucoup plus, ce, non pas par décision du groupe en question mais sous la pression sociale exercée par les autorités qui, bien entendu, promeuvent l'idée d 'une société paisible et tolérante.

Ci-haut, toutes occasions de partage et de conversations tirées de la collection du Musée McCord:

travailleurs en pause, île-Bizard, 1925; fête au parc Sohmer, Mtl, 1890; fête couronnement de George V, 1910; Sports au Canada, 1905; Places d'armes, Mtl, 1950

 02-11-2019       5. Avant l'Halloween, il y avait...

Un soir d'automne, alors que, bien petite encore, je jouais avec mon amie et ma soeur dehors - et comme je pris plaisir à me le rappeler plusieurs années plus tard -  j'aperçus marchant dans la noirceur plus bas sur la rue de Longpré, une ombre blanche, comme dans le brouillard. Apeurée, je m'étais précipitée chez moi en criant presque. J'avais de la peine à décrire ce quelque chose de blanc avançant dans la rue, comme un fantôme. "C'est le Mardi gras", a déclaré ma mère. "Elle s'est mis un drap sur la tête", d''opiner papa.

De fait, pour s'amuser avant la période d'austérité, le Mardi gras se fêtait autrefois aux alentours du Carême, juste avant, si je me souviens bien. D'ailleurs, l'Isle aux Grues, près de Québec, le fête peut-être encore.

Par défaut d'autre dénomination, les premiers temps où cette nouvelle fête de mascarades a été célébrée à l''automne, on l'a appelée Mardi gras. Il n'était alors pas question de sonner aux portes pour quérir des bonbons; cela n'est apparu, si je me souviens bien, dans les années 60 seulement.

Au fait, durant ces années-là, mes soeurs et moi nous étions toutes trois costumées en raquetteuses style 19è siècle, collants et grands gilets de laine écrue, bien épaisse et bariolée. Une dame qui retenait un sourire moqueur nous a déclaré : "C'est votre père qui vous a habillées comme ça?" De fait, c'était lui qui avait proposé ce costume qu'il tenait de je ne sais qui. Sa tante Élisabeth ou son oncle Elzéar?

Notre apparence parfois inopinée ou soignée semblait avoir une petite célébrité dans notre quartier.

Maman était aussi bien connue pour sa belle tenue, puisque le jour où ma soeur et moi, bien coiffées et boudinées, sommes allées chez mon amie pour une fête d'enfants, sa mère s'est esclaffé en disant: "C'est votre mère qui vous a arrangé comme ça?"

Avant cela, lorsqu'on restait sur De Longpré, c'est à dire dans la 2è moitié des années 50, maman avait deux paires de jambières en cuir pour enfants que Louise et moi portions au printemps et à l'automne. Je n'aimais pas les mettre parce qu'elles étaient rigides, bien entendu. Comme nous nous le sommes rappelées un jour, maman et moi, elle répondait que c'était bien chic et qu'on devrait être fières parce que peu d'enfants en avaient. Effectivement, nous étions les seules à en porter! ...

4. Où il est question de sobriété et de pudeur  

Chez nous, dans toutes les générations précédentes, la bonne éducation prônait le sérieux et la sobriété dans les manières sociales. Des gens qui se sautaient au cou en se voyant comme on le voit fréquemment chez les jeunes femmes aujourd'hui, ou même qui s'exclament fortement ou se frappent dans le dos en se rencontrant auraient été jugés mal élevés, déplacés ou même infréquentables.

Aussi, si l'on avait appris par inadvertance quelque chose de privé le moindrement gênant sur des connaissances ou des voisins, l'on s'abstenait toujours d'en parler à qui que ce soit, à moins que ce ne soit dans le cadre privé de la famille.

De même, les gens en général étaient gênés que leurs mérites soient étalés en public; pudeur peut-être excessive qui, on s'entend, n'existe plus du tout de nos jours. 

Autre chose, une théorie qui s'adresse depuis quelques décennies maintenant à monsieur et à madame tout le monde, une rumeur urbaine peut-être, préconise que, dans les relations de travail et sociales de toutes natures, on regarde les gens dans les yeux. S'il est bien sûr tout à fait anormal de ne pas regarder son interlocuteur en lui parlant - en tout cas, cela révélerait certainement un malaise important- il n'y a pas si longtemps, il aurait été perçu comme effronté et mal élevé de regarder son interlocuteur dans les yeux trop longtemps ou trop fixement. Un regard  volatile traduisant quelqu'un qui ne cherche pas à s'imposer était considéré comme normal et bienvenu.

Par ailleurs et par expérience, j'ai remarqué que nos contemporains-es mal à l'aise de proclamer des faussetés, ou désireuses d'agresser par leurs propos, haussent le ton en regardant fixement leur interlocuteur-trice pendant plusieurs secondes et à plusieurs reprises, tout en parlant. De tels gens, surtout s'ils sont en position d''autorité, pourraient être en train de manifester des caractéristiques psychopathes.

3.  Regard vers le futur: chronique de l''An 2121 

                                                    publié quelque part en 2019

Marc note que son SMS affiche : " Objet échappé dans la trajectoire du 215, section D rangée 4 Risque de bris Intervention immédiate requise ".Marc doit y aller et voir ce qui est tombé par terre dans cette section.

 

Depuis peu, il est seul dans l'entrepôt à coordonner et à superviser le travail de 300 robots qui vont chercher les objets commandés et les mettent en boîte. Jour et nuit, ils n'arrêtent jamais.

Marc est sur un chiffre de jour, deux de ses collègues le remplacent sur deux autres chiffres, un de soir, l'autre de nuit.

C''est aussi un robot superviseur qui, infatigable, toujours positif, l'assiste via des logiciels de surveillance et vient de lui envoyer ce message. Marc ne peut évidemment tout voir dans ce vaste entrepôt.

Il est 11 heures, il a 35 ans et est fatigué. À   17 heures, il prendra sa voiture qui le conduira chez lui. Si, au moins, il avait une copine à la maison. Mais comment rencontrer aujourd'hui, se dit-il. Avant de trouver celle qui lui convient, devra-t-il encore consulter des dizaines et des dizaines de pages de sites de rencontre ?

Il se sent vide, épuisé. Épuisé de sa vie. Devrait-il opter pour cette injection de plus en plus répandue qui lui insufflera un tel boost d''optimisme et d''énergie et le rendra peut-être un peu comme lui, là, en haut, le boss de supervision, celui qui voit tout, à qui rien n'échappe, celui qui, sans relâche, travaille 24 heures par jour, sans jamais faillir, à moins qu'on ait oublié de changer sa batterie? Quelle envie, quelle envie Marc a de les voler toutes, les batteries en réserve pour lui!  Et même pas pour les vendre.

 

Avec, en toile de fond, un vacarme de cliquetis, même si on a chaussé les 300 robots de feutres, il se sent perdu. Perdu. Il pense à ses parents qui lui parlaient du mode de vie bien passé maintenant de leurs parents à eux, et lui prend  l''envie d''être nostalgique et triste.

Il en a parlé l'autre jour sur Skype avec ses amis qui demeurent à l'autre bout du pays : peu à peu, progressivement, ce monde qui était le leur devient celui des robotisés. Sans failles, sans état d''âme, à moins que de toujours avoir celui qui convient à leur situation et à leur travail, ce monde, pense-t-il, devient le leur. Cela, en attendant que leurs concepteurs "humains", piégés par leurs créatures, mais avant tout par leur propre vanité et cupidité, ne soient annihilés, à leur tour.

Tel un très vieil homme fatigué qui vient de perdre sa femme, comme d'autres humains avant lui, il songe à renoncer. À   renoncer à tout.

2. Authenticité et indépendance 

Vous vous souvenez, on a beaucoup promeu la constitution de réseaux pour réaliser sa carrière. Mais voilà qu'une fois à l'intérieur d'un réseau, les carriéristes ne sont souvent pas à l'aise de se poser en porte-à-faux face aux positions de leurs comparses; problématique qui n'existait pas en début de siècle - je parle du 20è - car les carrières de tout un chacun ne dépendaient pas, ou bien moins souvent, des collègues. 

En effet, il était de bon ton, dans les sphères professionnelles et de pouvoir, de discuter vivement, voire âprement, au 19e et avant l'ère industrielle du 20e alors que, dans les milieux ouvriers, les carrières dépendaient bien davantage de l'appréciation de son travail et de ses relations avec le patron que de l'approbation de ses positions ou opinions par les confrères.

 publié en 2018      

1.  Salutations.

L 'avez-vous remarqué, lorsqu'on se promène sur la rue dans notre quartier élargi, tout le monde nous salue, même si l'on ne se connaît pas. Commencerai-je donc par faire remarquer qu'il y a à peine une génération on ne saluait pas tout le monde mais seulement les gens que l'on connaissait et estimait? Car l'on ignorait - quel contraste avec notre époque - les gens qu'on ne connaissait ou n'estimait point, qui étaient habituellement des commères ou des médiseurs-es, de même que les inconnus. 

Parlez-en à vos parents ou grands-parents: une belle entrée en matière pour une conversation qui vous rapprochera.